Comme je vous le disais la semaine dernière, mon plus gros ratage de l’année a été cette robe Chiara portée pour le 4 juillet. Un peu de contexte pour commencer : chaque année, pour le 4 juillet, j’essaie de me coudre une tenue rouge, blanche et bleue pour célébrer la fête nationale américaine (dans les épisodes précédents…). En 2017, j’avais jeté mon dévolu sur ce tissu blanc brodé d’étoiles rouges et bleues, et sur la robe Chiara de Wear Lemonade, une marque que je n’avais pas encore testée malgré mon abonnement de quelques mois à leur club PDF. Malheureusement, après plusieurs longues soirées à m’activer pour la finir à temps, je l’ai trouvée tellement ratée que je l’ai abandonnée alors qu’il ne restait que la fermeture à coudre. Pour le 4 juillet 2018, j’ai décidé de la ressortir du fond du placard et de la finir pour pouvoir la porter au moins une fois et faire un retour ici !

Vue comme ça, elle est plutôt mignonne, je vous l’accorde. On y retrouve les éléments qui m’avaient attirée vers ce patron : le col bateau bien dégagé sur les épaules, les mancherons qui forment une jolie superposition sur les côtés du corsage, les pinces en V sur le devant. Elle a aussi un côté très « effortless », féminine tout en étant décontractée, qui me plaisait bien sur les photos de la collection prêt-à-porter. De manière générale, je trouve le styling des photos Wear Lemonade vraiment nickel. L’ambiance est chouette, les tissus choisis sont parfaits, c’est frais, sympa, on a envie d’y être :

Par contre côté couture, quand on y regarde de plus près, on se rend compte que le seyant des habits sur les mannequins n’est vraiment pas fou. Ca baille à l’encolure, aux emmanchures, les corsages sont trop longs ou trop larges… Je pense que c’est ce qui me rebute chez Wear Lemonade : c’est avant tout une marque de prêt-à-porter, et en seconde place seulement une marque de patrons de couture. Du coup les vêtements ont tendance à avoir un fit prêt-à-porter : légèrement trop grands et resserrés par des liens ou des ceintures, plutôt que taillés sur mesure.

Un autre point qui me chiffonne, c’est le manque de photos qui montrent clairement les vêtements. Les pages de chaque patron ne montrent que le dessin technique de face, éventuellement une photo sur cintre ou sur mannequin de couture (qui n’y était pas à l’époque où j’ai téléchargé le patron), mais aucune photo portée. Pour trouver ces dernières, il faut aller dénicher les photos des vêtements vendus pour les différentes collections prêt-à-porter Wear Lemonade, éparpillées un peu partout et souvent disparues si le modèle est un peu vieux. Pour trouver une photo de dos ou de côté, c’est mission impossible (particulièrement dommage ici car le détail d’emmanchure sur le côté de Chiara est son plus grand atout !).

Avec tout ça, je n’arrivais pas à savoir avant de me lancer à quoi la robe allait ressembler. Le dessin technique (ci-dessus, à gauche) montrait un corsage directement cousu à une jupe froncée, mais sur la photo de réalisation que j’avais pu trouver sur les réseaux sociaux (ci-dessus, à droite) il y avait l’air d’y avoir une bande de taille de cousue entre les deux. La photo donnée dans le livret du patron (ci-dessous, à gauche) ne m’éclairait pas d’avantage, mais heureusement j’ai fini par trouver la photo de dos correspondante (ne me demandez pas où, ça m’avait pris trois plombes via Google Images) et j’ai compris qu’il s’agissait d’une ceinture amovible nouée dans le dos.

Une fois le mystère résolu, je me suis lancée dans l’assemblage du patron PDF, qui est immense : 43 pages à assembler. Et une fois mes pièces découpées, j’ai vu rouge : les pièces de jupe et de doublure jupe sont deux rectangles absolument identiques ! Faire assembler un rectangle plutôt que de donner les dimensions je veux bien, car il y a les repères de poche, mais là c’est un gâchis de papier et de temps pas possible. Surtout que la doublure n’est même pas plus courte que la jupe !

Après m’être énervée sur la mise en page de la planche patron, j’ai continué à m’énerver sur le livret d’instructions :
– les recommendations de tissu conseillent de la gabardine « pour un côté Mad Men » (avec une jupe froncée, bonjour la cata…)
– il n’y a pas de plan de coupe pour la doublure, ni de liste claire des pièces qui doivent être coupées dans le tissu de doublure
– il n’y a pas de schémas, mais des photos sur une autre page que celle du texte, ce qui fait qu’on est toujours en train de sauter d’une page à l’autre et qu’on ne sait plus où on en est
– il est parfois mentionné explicitement « Faites de même pour la doublure », et parfois ce n’est pas dit, mais il faut quand même le faire
– il y a des instructions à l’infinitif (« er ») et d’autres à la deuxième personne du pluriel (« ez »)

… bref j’en passe, vous aurez compris, c’est vraiment galère à suivre et ça aurait mérité une bonne relecture.

Pour la construction elle-même, c’est du grand n’importe quoi aussi. Plutôt que de coudre les manches avec le tissu extérieur et de fixer la doublure sur l’intérieur ensuite, les instructions font faire un repli de 1 cm vers l’intérieur sur le corsage et sa doublure, puis insérer les manches entre les deux, et surpiquer pour fixer. Je trouve ça vraiment sale comme façon de faire, et pas forcément plus facile pour des débutants ! Quelques étapes plus loin, la jupe est fermée en rond, montée en rond sur le corsage (il n’est jamais indiqué de fermer ce dernier, mais j’imagine que c’est nécessaire…), puis la couture dos est ouverte au découd-vite pour insérer la fermeture éclair au milieu dos. Sauf que la doublure jupe est aussi cousue en rond sur le corsage, et elle est en une seule pièce, sans ouverture au milieu dos. Et qu’il n’est jamais fait mention de coudre ses coutures côté, d’ailleurs. Vous n’arrivez pas à suivre ? Moi non plus, c’est normal, c’est comme ça pendant toutes les instructions. Le carnage total.

Et comme si ça ne suffisait pas, mon tissu aussi a décidé d’y mettre du sien. Il s’agissait d’un voile de coton, trouvé dans une boutique de tissu discount à Boston, et que je trouvais parfait pour l’occasion (les broderies rouges ressemblaient même à des feux d’artifice !). Hélas il était tissé tellement lâche que les coutures tiraient et fronçaient quel que soit le réglage de la machine. Et je ne vous raconte même pas comment il s’effilochait, avec des marges de 1 cm seulement ça n’était pas beau à voir. Mais j’ai fini par la finir, cette robe, tant bien que mal, en cousant certaines parties à la main et en reprenant les instructions à ma sauce. Et là bien évidemment après tout ça je ne peux plus la voir en peinture ! Je ne l’ai portée qu’une fois et elle attend au fond de mon placard depuis d’être amenée au container.

Et pourtant, quand je vois les photos, je me dis qu’elle avait du potentiel. Certes, les mancherons me font un petit effet Goldorak et elle a tendance à tomber un peu des épaules, mais je pense qu’en faisant un ajustement de carrure et réalisée dans un tissu adéquat elle pourrait être très chouette. Elle est bien patronnée après tout : toutes les pièces correspondent bien comme il faut, les pinces sont là où elles devraient être, et cette ouverture sous les bras rend très bien.

C’est vraiment l' »objet patron » en soi qui m’a posé problème : la mise en page, la construction, tout ce qui relève de l’expérience utilisateur, en fait. Ce n’est pas tout de patronner un modèle. Il y a tout un travail ensuite pour que ce modèle puisse être cousu par de vraies personnes, qui comprend la conception d’un livret d’instructions clair, correct, et complet. Peut-être qu’avec les patrons Wear Lemonade on est simplement censés suivre une vidéo pour le montage, et que les instructions données avec le patron font de la figuration. Sauf que moi j’ai pas forcément internet sous la main quand je couds, et je préfère lire des instructions que d’essayer de suivre une vidéo en temps réel, à devoir faire pause et revenir en arrière sans arrêt.

Heureusement pour moi, j’ai un niveau en couture suffisant pour partir d’une planche patron et d’un dessin technique et pouvoir improviser le montage. Il n’est donc pas exclu que je couse une nouvelle robe Chiara un jour, une fois que l’agacement sera passé. J’avais bien envie aussi de coudre une salopette Fiona, mais là je pense que je ne vais même pas me référer au livret, et remplacer directement la fermeture éclair milieu dos par une fermeture invisible sur le côté qui sera bien plus jolie. Avez-vous déjà cousu des patrons Wear Lemonade ? Vous en avez pensé quoi ?


Robe Chiara du 4 Juillet
Chiara – Wear Lemonade
Taille 38
Voile de coton brodé – Sewfisticated Fabrics, Somerville MA
Voile de coton uni –  Sewfisticated Fabrics, Somerville MA

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